Sucre
On a écrit précédemment que La Paz est la capitale de la Bolivie, ce qui est vrai. Mais Sucre est l’autre capitale du pays. Pour résumer rapidement, Sucre est la capitale historique, mais le siège du gouvernement se trouve à La Paz.
Sucre est une ville de taille moyenne à l’architecture coloniale, connue comme étant l’une des plus belles villes d’Amérique du Sud.
Après s’être installés dans une jolie auberge tenue par des français, nous commençons notre visite culturelle de la ville en goûtant aux salteñas, spécialité de Sucre.
On passe la journée à se ballader, et on visite un musée qui expose des masques traditionnels de toutes les régions de la Bolivie. Les masques sont vraiment impressionants, certains font même assez peur. Chaque masque est accompagné d’une explication de ce qu’il symbolise, et des fêtes traditionnels dans lequel il est utilisé.
Par exemple, un des masques exposé est censé être porté par un homme à l’occasion d’un certain carnaval. Cet homme doit danser pendant trois jours sans arrêt jusqu’à mourir de fatigue, mais il reçoit comme récompense une jeune fille vierge avant de commencer son marathon. En tout cas, c’est ce que le signe sous le masque dit.
Nous sommes assez fatigués de notre récent trajet de 19 heures en bus, mais nous décidons quand même d’aller dîner dans un petit restaurant de grillades et d’assister à un spectacle de danse traditionnelle recommandé par notre auberge.
Le restaurant est moyen mais le spectacle de danse superbe. Chaque danse représente une région de la Bolivie, avec la musique et les costumes qui vont avec. Nous sommes vraiment impressionés par la performance des danseurs, même s’ils invitent les spectateurs à danser sur scène avec eux à la fin du spectacle et qu’Austin ne sait plus où se mettre.
Notre plan initial est de quitter Sucre le lendemain dans la matinée pour la ville minière de Potosi et d’arriver à temps pour une visite des mines.
Ce qui se passe vraiment est différent: on se réveille tous les deux à 3 heures du matin avec un cas d’empoisonnement alimentaire qui nous empèche de fermer l’oeil de la nuit. Vu notre état, on quitte Sucre beaucoup plus tard que prévu et nous arrivons à Potosi dans la soirée, en espérant qu’une bonne nuit de sommeil nous fera nous sentir mieux et prêts pour la mine le lendemain.
Morale de l’histoire: ce n’est probablement pas une bonne idée de commander sa viande saignante dans un petit restaurant de grillades en Bolivie.
Potosi

La seule raison pour laquelle Potosi existe sont les mines.
A 4070 mètres d’altitude, Potosi est considérée comme la ville la plus haute du monde. Elle est située en dessous du Cerro Rico, la montagne dont sont extraits différents minéraux. La montagne était auparavant une immense source d’argent, au point où la ville était l’une des plus riches des Amériques au 17ème siècle. Dorénavant, les mines sont presques épuisées et donne peu d’argent, et principalement du zinc et du cuivre.
Jusqu’à il y a peu, l’état bolivien était propriétaire des mines et y régulait le travail; les mineurs avaient de bons salaires, la sécurité sociale, des outils de travail relativement modernes et des lois contre le travail des enfants.
Depuis que le gouvernement s’est retiré, les mineurs de Potosi ont vu leurs conditions se détériorer, surtout au niveau du travail infantil. Les enfants peuvent maintenant commencer à y travailler dès dix ans avec un parent, et à partir de quinze ans seuls. L’espérance de vie d’un mineur qui commence si jeune est de 40 à 50 ans.
Il y a normalement plusieurs agences qui organisent des tours des mines mais nous sommes à Potosi un dimanche, et la plupart sont fermées. On choisit par chance une auberge qui offre son propre tour et une fois nos uniformes de parfaits mineurs enfilés, nous voilà donc dans un minibus qui nous emmène à l’entrée d’une des mines.
On s’arrête d’abord dans un petit magasin pour acheter un cadeau aux mineurs. Les cadeaux que notre guide nous suggère sont des feuilles de coca, de l’alcool à 96°, du jus de fruit ou des bâtons de dynamite. Les feuilles de coca sont essentielles pour les mineurs, puisqu’ils en consomment toute la journée pour calmer leur faim et pour avoir assez d’énergie. En effet, les mineurs ne déjeunent pas puisque tout aliment introduit dans la mine devient toxique à la consommation dû à l’arsenic dans l’air ambient.

L’entrée de la mine
Notre groupe de touristes est constitué de deux espagnols, deux hollandaises très grandes et un allemand. Nous entrons dans la mine et nous nous rendons compte que les tunnels creusés par les mineurs sont très bas et très étroits. Nous nous attendions à ce qu’il fasse frais sous la terre, mais non, il y fait une chaleur étouffante. Les fumées toxiques que nous respirons ne font qu’ajouter à l’ambience incomfortable du lieu. Les deux hollandaises font demi-tour après quelques minutes et décident de nous attendre dehors.
Nous avançons en file indienne, recroquevillés sur nous-même pour ne pas cogner nos têtes au plafond de la mine. L’odeur devient de pire en pire; un mélange de soufre, d’arsenic et de poussière.
Après plusieurs centaines de mètres dans le tunnel nous arrivons à un croisement où se trouve la statue de Tio Jorge, un diable qui protège la mine et à qui nous faisons des offrandes.
Plus rien de grave ne peut nous arriver maintenant que sous sommes protégés par Tio Jorge.
On s’engouffre dans un autre tunnel et on s’enfonce plus profondément encore dans la mine lorsque notre guide commence à ramper.
Un par un, nous la suivons à travers plusieurs passages difficiles où il faut ramper puis escalader la mine pour s’y faufiler comme des fourmis. On arrive finalement dans une petite caverne où deux mineurs sont au travail. Ils nous invitent à les rejoindre par groupes de deux pour qu’on puisse remplir une brouette à la pelle. Austin et moi y entrons en premier.
Nous remplissons chacun deux brouettes de sédiments que les mineurs conduisent jusqu’à une sorte de toboggan en bois pour envoyer la récolte jusqu’au tunnel principal. Les mineurs semblent satisfaits de notre travail, et nous sortons de la caverne, en sueur après moins de dix minutes de travail… et nous avons du mal à imaginer qu’ils font ça tous les jours depuis vingt ans. Nous attendons en dehors de la caverne pour laisser entrer le reste de notre groupe.
Tout à coup, nous entendons plusieurs bruits venant de l’intérieur de la caverne; des pierres qui tombent puis plusieurs cris, accompagnés de nuages de poussière sortant de la caverne.
Suivi par le silence.
On imagine tout de suite le pire, et d’une voix nerveuse on demande si tout le monde va bien.
Après ce qui semble être une éternité le silence est rompu par la voix des mineurs.
La jeune fille espagnole sort de la caverne aidée par son ami, le visage couvert de poussière et de larmes, en panique. Notre guide et les mineurs lui mettent l’alcool pur sous le nez mais ce n’est pas ce dont elle a besoin. Elle s’assoit, boit un peu d’eau et retrouve peu à peu son calme.
Apparemment, quelques grosses pierres sont tombées du plafond sur son casque et ont causé une petite avalanche de gravier. Au final, plus de peur que de mal, mais c’est confirmé: ces mines ne sont pas sûres. Les mineurs reprennent leur travail et la guide n’a pas l’air plus troublée que ça. Ils ont sûrement vu bien pire dans leur carrière.
Il est temps de refaire tout le chemin à l’inverse, cette fois-ci avec plus de précaution après ce qu’il vient de se passer.
On voit enfin la lumière au bout du tunnel, et quelques minutes plus tard on est de retour sous le soleil.
Les hollandaises nous attendent dans le minibus, et on se dit qu’elles ont bien fait d’arrêter en chemin.
Malgré les dangers rencontrés et l’hostilité de la mine, Austin et moi avons beaucoup apprecié l’expérience.
De retour au centre-ville, on arrive à temps pour monter dans un bus en direction d’Uyuni. Le trajet nous donne assez de temps pour repenser à notre aventure de la journée, et à réfléchir sur l’avenir incertain de Potosi.
Que va devenir Potosi dans un futur proche? Les mines sont presque épuisées; la ville devra trouver une autre source de revenus, ou Potosi deviendra inévitablement une ville fantôme. Un chauffeur de taxi nous a d’ailleurs dit à notre arrivée: “A part les mines, il n’y a rien ici. Personne ne veut mourir à Potosi.”
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