Le grand jour de notre départ dans la jungle est arrivé. On se retrouve à 8 heures du matin dans une remorque attelée à une moto conduite par le fils du propriétaire de l’agence qui doit avoir 13 ans. Avec nous dans la remorque, il y a nos deux guides, Javier et Silda, et des provisions pour les six jours que nous allons passer dans la forêt. Alors qu’on se rapproche de l’entrée de la réserve, un cobra traverse la route devant nous; premier signe qu’on se rend bien dans la jungle!

Quel canoë va-t’il être le nôtre?
Nos guides répartissent les provisions dans notre canoë quatre places, et nous expliquent comment nous allons nous assoir: Javier va ramer à l’avant, Silda à l’arrière, et nous nous asseyons avec Austin au milieu du canoë, sur des matelas pliés en deux, un peu comme des rois.

C’est parti!
Notre voyage en canoë à travers la réserve Pacaya Samiria est un véritable défilé de plantes et d’animaux exotiques.
Nos guides font vraiment tout le travail; ils rament toute la journée et lorsque on s’arrête, ils s’occuppent de nos repas. Finalement, notre voyage dans la jungle se révèle être une expérience plutôt relaxante, mis à part les moustiques et les après-midi très chaudes.
Le temps est en constante évolution; de grosses averses finissent aussi vite qu’elles sont arrivées pour laisser place à un ciel bleu sans nuages.
Le niveau de la rivière dépend fortement de la quantité de pluie tombée durant les précédentes 12 heures. Lorsque le niveau est bas, Javier doit nous frayer un chemin entre les arbres échoués dans la rivière avec sa machette.
On passe nos journées plutôt silencieusement, trop concentrés sur la nature qui nous entoure dans l’espoir de repérer le prochain animal.
Malheureusement, il est très difficile de prendre des photos des animaux qui nous entourent avec l’appareil photo que nous avons. On a des vidéos que nous partagerons à notre retour, mais pour l’instant il faudra nous croire sur parole!

La grenouille qui a sauté sur Austin pendant un dîner
On fait la liste des animaux que l’on voit au fur et à mesure; des paresseux, plusieurs types de singes, un tamanoir, des centaines d’oiseaux, beaucoup de poissons… Il devient évident que ce que Javier préfère dans son métier de guide, c’est de pêcher, que ce soit au harpon, à la ligne ou avec un filet. On mange du poisson matin, midi et soir, et on préfère le piranha. Je me découvre un talent dans le domaine de la pêche à la ligne.

Mon premier piranha
Je dois même avouer que je suis bien meilleure qu’Austin, qui a un peu de mal.
Nous voyons aussi des crocodiles, des grosses anguilles éléctriques, des raies vénéneuses… Inutile de dire que nous n’allons pas nous baigner.
Au cinquième jour, pour avoir une autre perspective de ce qui nous entoure, on quitte notre canoë pour s’enfoncer à pied dans la jungle.
La nuit, on campe dans des huttes aux toits en feuilles de palmier, sous notre tente pour éviter les moustiques. Silda prépare un feu pour cuisiner le poisson pêché dans la journée, accompagné de riz et de bananes plantains. Alors que ces dernières sont délicieuses frites, on découvre qu’on déteste la banane plantain bouillie – impossible à avaler.

Piranhas cuits dans des feuilles de palmier
C’est dans ces moments avant d’aller nous coucher que nous discutons le plus avec nos guides, dans la cacophonie de la jungle nocturne.
C’est également à ces occasions que Javier nous raconte des histoires, qui pour la plupart nous laissent sans voix. Il nous raconte par exemple l’histoire d’une nonne qui avait un perroquet comme animal de compagnie et qui avait pour mission d’apprendre l’espagnol aux enfants indigènes. Un jour, son perroquet s’échappe. Plusieurs mois plus tard, la même nonne qui est dans une différente zone de la forêt amazonienne entend plusieurs perroquets sauvages réciter l’alphabet.
Une autre histoire plus effrayante est celle d’un groupe de biologistes qui restait dans la réserve; suite à une altercation avec des bûcherons illégaux, leurs corps ont été retrouvés dans la rivière, avec des batteries de voiture autour du cou.
Il nous raconte aussi des fables, comme celle du vautour qui a perdu les plumes autour de son cou après s’être aventuré trop loin dans l’anus d’un cheval qu’il croyait mort…
Javier et Silda, comme la plupart des habitants de la zone, croient au diable et aux les esprits malins de la forêt, et nous racontent comment les shamans communiquent avec les esprits de la rivière qui volent des humains en les noyant, dans le but de les épouser après leur mort.
Javier nous parle également d’un chef de tribu indigène dans une réserve voisine qui a 5 femmes et 35 enfants, qui a demandé que l’état construise une école et fournisse un professeur rien que pour sa communauté.
Il nous décrit enfin comment lui-même exhale de la fumée de cigarettes précédemment “bénies” par le père de Silda qui est shaman sur son fils nouveau-né afin de le protéger des esprits lorsqu’ils l’emmènent dans la jungle avec eux.
On écoute tous ces récits et beaucoup d’autres avec fascination.
Après six jours, on sort du canoë pour la dernière fois. On récupère le reste de nos affaires laissées à l’agence et on se rend au port de Lagunas. Il est passé minuit, et nous attendons le bâteau qui nous emmènera à Iquitos.
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